Eh ! De quoi venez-vous flatter mon espérance ?
« Mes soldats, dites-vous, seront fait citoyens ;
Rome à leur subsistance assignera des biens :
Vous serez chevalier le chef qui me seconde ;
Avec vous au Sénat je régirai le monde... »
Mais peut-être demain, sénateurs, citoyens
Seront en mon pouvoir, ainsi que tous vos biens ;
J'ordonnerai du sort de tes maîtres du monde,
Je verrai sur quel droit ce grand titre se fonde,
Et si, soumettant tout aux lois du consulat,
Il faut que Rome soit, et qu'elle ait un sénat.
Craignez encor, craignez-d'y trouver des obstacles ;
Un noble désespoir enfante des miracles ;
L'espoir le mieux fondé souvent cache un revers ;
Enfin les dieux à Rome ont promis l'univers.
Du peuple cette fable éleva le courage :
On fit parler les dieux ; mais on leur fit outrage.
Tous les faibles mortels sont égaux à leurs yeux,
Et le droit d'opprimer n'émane point des cieux.
De quelque oracle enfin que Rome s'autorise,
Contre elle jusqu'ici le ciel me favorise,
Et j'espère...
Le sort peut encor vous trahir.
Notre courage, au moins, ne se peut démentir.
Quoi qu'ordonne le ciel, Spartacus doit s'attendre
Que le dernier de nous périra sans se rendre.
C'est à vous d'en résoudre.
Écoutez, Spartacus.
Vous connaissez les biens et le rang de Crassus ?