Je veux bien cependant ne m'en point offenser.
Sachons ce que par vous ce Sénat me propose.
Brisera-t-il le joug qu'à la terre il impose ?
Vos soldats, Spartacus, seront faits citoyens ;
Rome à leur subsistance assignera des biens :
On fera chevalier le chef qui vous seconde ;
Avec nous au Sénat vous régirez le monde.
Du temps des Scipions j'aurais pu l'accepter ;
Rome était digne alors qu'on s'en fit adopter.
D'un perfide ennemi magnanime rivale,
Dans cette guerre, un temps pour elle si fatale,
Où le revers sans cesse amenait le revers,
Quel spectacle elle offrit aux yeux de l'univers !
Aux bords de sa ruine on la vit toujours ferme,
Aux succès d'Annibal marquer enfin leur terme,
Opposer au vainqueur un courage invaincu,
Et lasser le malheur à force de vertu.
Aujourd'hui qu'en son sein les richesses versées
Usurpent tout l'éclat des vertus éclipsées,
Que l'orgueil, l'avarice ont infecté vos cœurs,
Et que de l'univers avides oppresseurs,
Vous en avez conquis les trésors et les vices,
Que m'offrez-vous, sinon d'être un de vos complices ?
Spartacus, vous jugez Rome par ses abus :
Croyez qu'on peut encore y trouver des vertus.
Vous connaissez Caton ; et si du grand Pompée
La valeur n'était pas loin de nous occupée,
Peut-être...
Son grand nom ne m'en impose pas ;
Mais tandis qu'en Asie il soumet des États,
Rome peut, dès demain, tomber en ma puissance.