Page:Saurin - Œuvres choisies, Didot, 1812.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce que le lieu, le temps, l'occasion demande,

Fixe la destinée, ou plutôt lui commande...

Spartacus
l'interrompant.

Souffrez que j'interrompe un discours trop flatteur.

La victoire toujours ne suit pas la valeur :

Du succès trop souvent la fortune dispose.

Le ciel s'est déclaré pour la plus juste cause :

Il a favorisé l'ennemi des tyrans...

Mais, sans plus nous livrer a de vains compliments,

Qu'avez-vous résolu ? Vous voyez votre armée

Sans espoir de secours par la mienne enfermée ?

Crassus

L'avantage du poste est sans doute pour vous ;

Mais sachez, Spartacus, que nous avons pour nous

La nécessité même où nous sommes de vaincre.

Vous savez ( mille faits ont dû vous en convaincre )

Que rien n'est impossible à des cœurs obstinés,

Et que des grands périls les grands efforts sont nés.

Du sort toujours changeant prévenez l'inconstance.

Rome, qui sait priser votre haute vaillance,

À des conditions, que je viens apporter,

Avec vous aujourd'hui me permet de traiter.

Spartacus

Vous avec moi traiter ? Rome avec un rebelle,

Et dont la tête encore est proscrite par elle ?

D'un semblable traité le sénat rougirait,

En tirerait le fruit et vous désavouerait.

Crassus

J'ai le droit de conclure ; il m'en laisse le maître...

Mais des faveurs du sort enorgueilli peut-être...

Spartacus
l'interrompant.

Non ; à votre malheur je suis loin d'insulter ;

Mais ces conditions qu'on me vient apporter,

J'avais cru que c'était à moi de les prescrire.

Au vainqueur d'ordonner, aux vaincus de souscrire.

Mais l'orgueil du Sénat ne se peut abaisser.