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Étouffez dans mon sang ma honte et mes fureurs,

Votre opprobre et le mien, ou j'atteste le Tibre

Que, si Spartacus vit et se voit jamais libre,

Des flots de sang romain pourront seuls effacer

La tache de celui que je viens de verser... »

Sabine, il a trop bien acquitté sa promesse.

Voyant Sabine en pleurs.

Mais je vois que pour lui ce récit t'intéresse ?

Sabine

De mes yeux attendris il arrache des pleurs.

Mais votre cœur dès lors sensible à ses malheurs...

Émilie
l'interrompant.

D'une vive pitié je me sentis émue.

Depuis en sa faveur mon âme prévenue,

Avec tout l'univers admira ses hauts faits...

Mais de mon cœur encor rien ne troublait la paix ;

Tarente en fut l'écueil ; Tarente infortunée,

Aux flammes, au pillage, au meurtre abandonnée.

Jour affreux, du soleil à regret éclairé,

Où ce que les humains ont de plus révéré

Du vainqueur insolent éprouva la furie ;

Où la licence, jointe avec la barbarie,

De sang et de forfaits inonda nos remparts !

Au temple de Vesta, femmes, enfants, vieillard,

Sous la garde des dieux avaient mis leur faiblesse.

Prosternée à l'autel j'implorais la déesse :

Soudain un bruit terrible et d'effroyables cris

Font retentir la voûte et glacent, les esprits ;

On a forcé le temple, et, fondant sur leur proie,

Les yeux étincelants d'une barbare joie,

Des cruels... Écartons ce funeste tableau...

Pour asile l'honneur n'avait que le tombeau ;

Et, les cheveux épars, la gorge demi-nue,

De Vesta, d'une main, embrassant la statue ;

De l'autre, sur mon sein appuyant un poignard,

Je m'adressais au ciel par un dernier regard,

Quand Spartacus parut, comme un dieu secourable.

Sabine
À part.