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Je vois en frémissant que lui seul en dispose,

Et toutefois, Sunnon, sa grande âme m'impose.

On dirait qu'il est né pour n'avoir point d'égal.

Par. notre libre choix reconnu général,

Il semble avoir sur tous un naturel empire.

Mon cœur, plein de dépit, le respecte et l'admire :

Je te confesse encor, mais non pas sans rougir,,

Que ce dépit jaloux qui me le fait haïr,

En secret dans mon cœur combat avec puissance

Mes nobles sentiments et même les balance,

Qu'enfin... Mais les Romains me sont trop en horreur :

C'est ma haine pour eux, c'est ma juste fureur

Qui contre Spartacus aigrit mon cœur encore :

Il sait de me venger que la soif me dévore ;

Qu'au tombeau de mon fils ma douleur a juré

Une guerre implacable à ce peuple abhorré ;

Et loin d'être comme eux inflexible et barbare,

Du sang de ces cruels Spartacus est avare :

Il n'a pour les vaincus que de l'humanité.

Tu l'as vu, de Tarente épargnant la cité,

Arrêter du soldat les fureurs légitimes,

Et de nos bras sanglants arracher nos victimes.

Sunnon

On dit qu'en cette ville une jeune beauté

En secret dans ses fers le tenait arrêté.

Noricus

Quelle honte pour lui ! C'était une Romaine !

Un plus noble intérêt cause aujourd'hui sa peine ;

Il tremble pour l'objet respectable et chéri,

Dont le sein le forma, dont le lait l'a nourri.

Les Romains en secret ont ménagé des traîtres ;

D'Ermengarde par eux ils se sont rendus maîtres.

Hier en diligence il fit partir Albin,

Chargé de leur offrir un immense butin,

Avec tous les captifs qu'ont faits sur eux nos armes.