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LA PARFAITE CONNOISSANCE
LES SURDENTS.


CE deffaut arrive rarement aux jeunes Chevaux & c’eſt ce que l’on appelle faire Grenier ; on voit cela à un Cheval en lui mettant le Pas d’Ane dans la bouche & regardant bien les groſſes Dents mâchelieres. On le trouve inégales ; même en mangeant, il s’atrape le dedans de la bouche du côté des joües. Cette inégalité qui lui cauſe ſouvent de grandes douleurs il ſe gliſſe à côté des Machoires entre les jouës & les dents, des pelotons de foin machés qui fort ſouvent tombent dans la mangeoire, ou à terre. Lorſqu’on voit cela, il ne s’agit que d’égaliſer les Dents, ce qui ſe peut faire avec plus de facilité que ne le font ordinairement les Marechaux, qui prennent une Gouge de fer & avec un Marteau frapent deſſus, voulant les égaliſer à force de coups ; & par-là ils ébranlent toutes les dents, & font le remede pire que le mal ; ſans conter le riſque qu’il y a que ſi la main leur échape, ils peuvent bleſſer, ou tuër le Cheval, ſi malheureument le bout de la ouge entre à l’endroit de l’avaloire, qui eſt l’entrée de la gorge. Cette manière à la verité va plus vîte ; mais la mienne eſt plus ſûre, quoique plus longue à faire. Il ne s’agit que de prendre une groſſe Râpe d’acier, large d’environ deux doigts, & épaiſſe d’une ; c’eſt à dire de la grandeur de celles dont les Marechaux ſe ſervent pour râper le Sabot, après qu’ils ont ferré un Cheval. Il faut mettre la Rape dans la bouche du Cheval entre les groſſes Dents mâchelieres, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; cela obligera le Cheval de macher ſur cette Rape, & par ce moyen tout ce qui n’eſt pas égal ſe caſſe, & les Dents ſe rendent unies. Ceci étant bien fait & avec patience le Cheval mangera mieux & ſans faire Grenier, & la nourriture lui profitera bien mieux, ce dont on s’apercevra auſſi-tôt.

Après avoir examiné tout ce qui peut empêcher les Chevaux de manger ſans être malades, s’il s’en trouve encore quelques-uns qui ne veulent pas manger, quoiqu’on n’aye remarqué aucune des quatre ſuſdits déffauts, il faut examiner avec ſoin la Mangeoire, le Râtelier, les Seaux dans quoi ils boivent, juſques deſſous la Mangeoire, car la moindre malpropreté, ou puanteur qu’un Cheval peut ſentir le dégoûte, n’y ayant point d’Animal plus propre, & par conséquent plus facile à dégoûter.

Après avoir parlé de ce qui peut empêcher les Chevaux de manger, il faut paſſer aux autres accidents, & ſur-tout à ceux des Yeux.


COUP SUR L’OEIL.


IL arrive ſouvent que d’un coup de Foüet, ou d’un Bâton on bleſſe un Cheval ; ou il peut être frapé par quelqu’autre accident ; ſi le coup n’eſt donné que ſur la Paupiere & que la Vitre ne ſoit pas tachée, le remede en ſera fort facile. Lorſque l’on s’aperçoit qu’un Cheval a été frapé par quelque coup que ce puiſſe être & qu’il a l’Oeil gros, enflé & chaud au toucher de la main, alors il faut prendre d’une eſpéce de Terre que l’on apelle Blo Armenic, qui eſt rouge, facile à trouver chez tous les Droguiſtes ou Apotiquaires, & la mettre bien en poudre fine, la délayer avec du vinaigre de vin & quelques blancs d’œufs & en faire une eſpéce de Pappe, comme une Boüillie claire, l’appliquer ſur cette enflure & réïterer cinq à ſix fois par jour juſqu’à ce que l’enflure ſe diſſipe, & enſuite avec de l’eau tiéde, il

faut