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III. — Si ce Roy se propose d’asseurer ses Estatz à ses enfants aprés sa mort, et d’envahir le Royaume d’autruy à petits fraiz, qu’il en escrive un mot à Mendoze, son ambassadeur, ou au pere Commolet[1], et qu’au bas de sa lettre il escrive avec de l’ Higuiero dell’ Infierno: Yo el Rey ; ils luy fourniront d’un religieux apostat[2], qui s’en yra soubs beau semblant, comme un Judas, assassiner de sang froid un grand Roy de France, son beau-frère, au milieu de son camp, sans craindre Dieu ny les hommes. Ils feront plus : ils canoniseront ce meurtrier[3] et mettront ce Judas au dessus de Sainct Pierre, et baptiseront ce prodigieux et horrible forfaict du nom de coup du Ciel : dont les parrains seront Cardinaux, Legats et Primats[4].

IV. — Qu’une grande et puissante armée de piteux et horribles François soit preste à bien faire pour la deffense de la Couronne et Patrie, et pour venger un si espouvantable assassinat ; qu’on jette au milieu de ceste armée une demie dragme de ceste drogue, elle engourdira tous les bras de ces braves et genéreux guerriers.

V. — Servez d’espion au camp, aux tranchées, au canon, à la chambre du Roy, et en ses Conseils[5] bien qu’on vous connoisse pour tel, pourveu qu’ayez pris dés le matin un grain de Higuiero, quiconque vous taxera sera estimé Huguenot ou fauteur d’Heretique.

VI. — Tranchez des deux costez, soyez perfide et desloyal, touchez l’argent du Roy pour faire la guerre, n’aigrissez rien,

  1. Jésuite qui faisait, en faveur de la Ligue, des prédications pleines de violence.
  2. Le moine jacobin Jacques Clément, qui assassina Henri III le 1er août 1589.
  3. Les prédicateurs de la Ligue publièrent que ce moine, massacré après son crime commis, était un saint martyr.
  4. Les cardinaux Caietan et de Plaisance, légats du Saint-Siège ; Pierre d’Espinac, archevêque de Lyon, primat des Gaules, et le cardinal de Pelvé, archevêque de Reims. Les prédicateurs de la Ligue appelaient l’assassinat de Henri III un coup du ciel.
  5. Peut-être Villoroy, qui fut quelque temps ligueur.