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SATYRE MÉNIPPÉE.

contraint le donner à ung petit moyne Romipete[1], qui, le lendemain, se desroba pour la haste qu’il avoit d’estre à Paris, à la benediction solennelle et procession generale que devoit faire le Legat pour la saincte et catholique entreprise que Pierre Barrière, d’Orleans, avoit faicte et jurée entre ses mains d’assassiner Sa Majesté à Melun[2]. Mais il advint que ledit moyne fut pris par quelques gentils-hommes et trouvé chargé dudit Discours, lequel leur sembla si plaisant qu’incontinent l’un d’entre eux le tourna en françois ; et, de main en main, la traduction est venue jusques à moy, qui l’ay imprimé, tant pour relever de peine les curieux de veoir toutes nouveautez que pour piquer ceux qui languissent encore soubs le joug de la tyrannie. Car il faudra qu’il soyent parfaitement ladres clavelez[3] s’ils ne sentent ce poignant esguillon, et ne jettent pour le moins quelque soupir de leur mourante liberté. À DIEU.

  1. Romipète. Romam petere, aller à Rome. Un petit moine qui allait en pèlerinage à Rome.
  2. Pierre Barrière avait formé le projet d’assassiner Henri IV. Il fut rompu vif en 1593 à Melun.
  3. Le claveau ou la clavelée est une maladie des moutons. Dans l’idée de l’auteur ladre clavelé revient à dire ladre au plus haut point, au superlatif.