Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
SATYRE MÉNIPPÉE.

qu’il fut pris par quelques Religieux du Chasteau-Verd[1] et mené devant le Maire de Beauvais[2] ou il eust esté déclaré de bonne prise, à cause de quelque sac de doublons qui se trouva dans la valize, sinon qu’il leur manstra une once de Cathalicon, réduit en poudre, qu’il partait en sa bourse avec sept grains benits et une chemise de Chartres qui avait demeuré neuf jours et neuf nuicts aux pieds Nostre-Dame-soubs-terre[3], pour empescher les coups de canons et d’artillerie, et d’estre pris ny en guerre ny en justice. Tellement qu’il confessa librement qu’il avait laissé son maistre, après avoir cogneu qu’il estoit heretique, en ce qu’il appelait le Biarnois Roy de France.

Or, entre les hardes de la valize, dont inventaire fut faicte en presence du Maire et du Docteur Lucain[4] superintendant des prises et rançons, se trouva l’original dudit Discours italien, que le Maire n’entendait pas, et pria ledit docteur Lucain de le traduire en bon français. De quoy ledit Docteur s’excusa, disant qu’encore qu’il sceust bien parler le langage de Rome, toutefois il ne le sçavait pas approprier à la naïveté française. Si bien qu’on fut

  1. Les religieux du monastère de Château-Vert paraissent avoir pris une part active aux guerres de religion ; aussi le nom de Chateauverts était devenu un sobriquet appliqué aux Ligueurs. En tout cas ces moines donnaient asile aux soldats et aux paysans maraudeurs.
  2. Godin ou Gaudin, maire de Beauvais ; ligueur tout dévoué aux intérêts de l’Espagne.
  3. Les chemises de Chartres étaient de petites reproductions du vêtement dont on couvrait l’image de Notre-Dame placée dans la crypte de la cathédrale, dite église dessous terre ; Les dévôts les portaient sur eux en manière de scapulaire.
  4. Guillaume Lucain, prédicateur dévoué à la Ligue.