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rien que prendre, ont vendu cherement les places au Roy, et livré les pauvres habitants à sa mercy, seront bien marris si on les appelle traistres : mais si sera-il mal aysé qu’il n’en eschappe quelque mot aux Parisiens, mesmement contre ceux qui ont pris de l’argent, et qui ont marchandé et barguigné pour parvenir à un certain prix : J’en veux avoir tant ! Car, encore qu’ils ayent faict ce qu’ils doivent, comme les juges qui font la justice qu’ils sont tenuz faire, si est-ce qu’en prenant de l’argent ils ont tout gasté, et ne doivent plus recevoir d’honneur de leur bienfaict. Ils ne peuvent se sauver qu’on ne les appelle traistres, concussionaires, marchands et vendeurs de leur pays, et n’y a que Dieu seul qui puisse faire que les choses faictes ne soyent faictes. Encore ne le peut-il faire que par l’oubly qu’il peut induire en nos esprits, pour ne nous souvenir plus de ce qui s’est passé. Et, sur ce propos, un de nos poëtes, dont nostre ville d’Eleuthere est assez bien fournie, a dict en six petits vers, ces jours passez : Ceux qui vendent au Roy, par ces guerres civilles, A beaux deniers comptants, les places et les villes, Encore, à mon advis, luy font-ils bon marché ; Car, pour un peu d’argent s’exposants aux envies, Ils vendent quant et quant leur honneur et leurs vies : Jamais homme de bien sur ce train n’a marché. Toutesfois il s’en trouve quelques-uns qui, s’estants, du commencement, laissés emporter au torrent de la Ligue (fust-ce pour crainte de perdre leur Religion, fust-ce pour affection particuliere qu’il portoient aux chefs du Party, ou pour quelque indignation et haine qu’ils eussent cou-