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nom à cause de Menippus, philosophe cynique, qui en avoit faict de pareilles auparavant luy, toutes pleines de brocards salez et de gausseries saulpoudrées de bons mots pour rire et pour mettre aux champs les hommes vitieux de son temps. Et Varron, à son imitation, en fit de mesme en prose, comme depuis fit Petronius Arbiter, et Lucien en la langue grecque, et aprés luy Apulée ; et, de nostre temps, le bon Rabelais, qui a passé tous les autres en rencontres et belles robineries, si on veut en retrancher les quolibets de taverne et les saletez de cabarets. Je ne sçay donc qui sont ces delicats qui trouvent mauvais si, à l’exemple de ces grands personnages, on a voulu donner à un ouvrage semblable un tiltre semblable au leur, qui s’est faict commun et appellatif, au lieu qu’il estoit auparavant propre et particulier ; comme, n’a pas long temps, en a usé un docte Flamand antiquaire[1]. Voyla ce que je vous puis dire pour ce regard : si vous desirez quelque autre chose, je vous en diray mon advis.

— Je suis, luy dy-je, alors abondamment satisfaict quant à ce tiltre ; mais on est fort en dispute qu’a voulu dire l’autheur par ce mot de Higuiero d’Infierno ; car il y a beaucoup de personnes qui ne sçavent que c’est, et y font des interpretations cornues, auxquelles, à mon advis, il n’a jamais pensé. — Je sçay bien, dit-il, qu’il y en a qui se veulent jouer sur l’affinité des paroles, les uns pour se donner carriere, et les autres pour tirer l’autheur en envie : mais il y a bien loin de huict à dix-

  1. Pierre Cunœus, jurisconsulte et érudit, né à Flessingue, écrivit un livre intitulé : Satira Menippœa in sui sœculi homines inepte eruditos.