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des hommes deguisez en Satyres, qu’on feignoit estre demy-dieux lascifs et folastres par les forests, tels qu’on en presenta un tout vif à Sylla, et que sainct Hierosme raconte en estre apparu un à sainct Anthoine. Et ces hommes ainsy deguisez, nuds et barbouillez, avoient pris une liberté d’attaquer et brocarder tout le monde impunement. On leur faisoit anciennement dire leurs vers injurieux tout seuls, sans autre sujet que pour railler et mesdire d’un chascun. Puis on les mesla avec les comediens, qui les introduisirent parmy leurs actes pour faire rire le peuple. A la fin les Romains, plus graves et plus serieux, les chasserent du tout hors des theastres, et, en leur place, y receurent les mimes et pantomimes. Mais les poëtes ingenieux s’en servirent à contenter leur esprit de medisance, qu’aucuns ont estimé estre le souverain bien, et s’en trouve assez en nostre pays de Parisie qui ayment mieux perdre un bon amy qu’un bon mot et un brocard appliqué bien à propos. Ce n’est donc pas sans raison qu’on a intitulé ce petit discours du nom de Satyre, encore qu’elle soit escrite en prose, mais farcie et remplie d’ironies gaillardes, piquantes toutesfois et mordantes le fond de la conscience de ceux qui s’y sentent attaquez, auxquels on dit leur veritez ; mais, au contraire, faisants esclater de rire ceux qui ont l’ame innocente et asseurée de n’avoir point desvoyé du bon chemin. Quant à l’adjectif de Menippée, il n’est pas nouveau : car il y a plus de seize cents ans que Varron, appelé par Quintilien et par sainct Augustin le plus sçavant des Romains, a faict des Satyres aussy de ce nom, que Macrobe dict avoir esté appelées Cyniques et Menippées, auxquelles il donna ce