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Vostre Asne qui, par avanture,
Fut ung chef d’œuvre de nature.


Depuis ce malheur advenu
Martin malade est devenu,
Tant il portoit une amour forte
A ceste pauvre beste morte !
Hélas ! qui peut veoir sans pitié
Ung si grand effect d’amitié ?
De moy, je le dis sans reproche,
Quoy que je ne feusse si proche
Du deffunct comme estoit Martin,
J’ay tel ennuy de son destin
Que depuis quatre nuicts entières
Je n’ay sçeu clorre les paupières :
Car lors que je cuide dormir,
Je me sens forcé de gémir,
De souspirer et de me plaindre ;
Mille regrets viennent attaindre
Sans cesse mon cœur, et l’esmoy
Ne desloge point de chez moy.
Depuis ceste cruelle perte
Mon âme aux douleurs est ouverte,
Si que pour n’avoir plus d’ennuy,
Il faut que je meure après luy.


On le fit mourir en la fleur de son aage,

le mardy XXVIIIe d’aoust 1590.