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rée, encor qu’ils soient longs et tardifs à venir. Mais il n’appartient qu’aux victorieux d’en user, et à ceux qui n’ont plus personne qui leur resiste. Aucuns l’attribuent à couardise et timidité plutost qu’à vaillance et generosité ; car il semble que ceux qui épargnent leurs ennemis desirent qu’on leur en fasse autant, et demandent revanche de leur gratieuseté, ou craignent crue, s’ils se monstrent sevères, ils ne puissent avoir raison de leurs autres ennemis qui restent à dompter. Aucuns l’appellent imbecillité de cœur tout à faict, estimants que celuy qui n’ose user de son droict n’est pas encore asseuré de vaincre et craint aucunement d’estre vaincu. Mais les Philosophes qui ont traitté de ceste matiere à plain fond, n’ont pas attribué à vertu, quand ceux qui, entreprenants de troubler un Estat, se sont montrez gracieux et courtois du commencement de leurs executions ; comme la douceur dont usoit Cesar envers les citoyens et gens-d’armes romains, devant qu’il fust victorieux, n’estoit pas clemence, ains flatterie fit courtoisie ambitieuse, par laquelle il vouloit se rendre. agreable au peuple et attirer un chascun à son party. Et c’est ce que dict ce grand maistre d’Estat : Imperium occupantibus utilis est clementiae fama ; à ceux qui envahissent un Royaume contre droict, comme à vous, Monsieur le Lieutenant,