Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Estat. On vous pouvoit donner le nom de Regent, ou de Lieutenant general du Roy, comme on avoit faict autrefois quand les Roys estoient prisonniers ou absents de leur royaume ; mais Lieutenant de l’Estat et Couronne est ung tiltre inouy et estrange qui a trop longue queue, comme une Chimere contre nature qui faict peur aux petits enfants. Quiconques est Lieutenant est lieu tenant d’ung autre, duquel il tient le lieu, qui ne peut faire sa fonction, à cause de son absence ou autre empeschement ; et Lieutenant est lieu tenant d’ung autre homme. Mais de dire qu’ung homme soit Lieutenant d’une chose inanimée, comme l’Estat ou la Couronne d’un Roy, c’est chose absurde, et qui ne se peut soubstenir ; et eut esté plus tolerable de dire en l’Estat et Couronne de France que Lieutenant de l’Estat. Mais c’est peu de chose de faillir à parler, au prix de faillir à faire.

Quand vous fustes afflublé de ceste belle qualité, vous curastes si rudement nos bourses qu’eustes moyen de mettre sus une grosse armée, avec laquelle vous promettiez poursuivre, assieger, prendre, et amener prisonnier le nouveau successeur à la Couronne[1], qui ne se disoit pas Lieutenant, mais

  1. Le Béarnais, c’est-à-dire Henri IV.