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ayant le gage de tant d’honnestes hommes, vous pensiez qu’on n’eust osé faire mourir cest assassin, sur la menace qu’eussiez faicte de faire mourir, en contreschange, ceux que teniez prisonniers ; lesquels, à la verité, sont bien obligez à ceux qui, par une precipitée colere, tuerent à coups d’espée ce meschant, aprés son coup faict ; et vous-mesme ne les devez pas moins remercier, car, si on l’eust laissé vivre, comme il faloit, et mis entre les mains de justice, nous eussions eu tout le fil de l’entreprise naifvement deduict, et y eussiez esté couché en blancs draps[1], pour une marque ineffaçable de vostre desloyauté et felonie. Mais Dieu ne l’a pas ainsy permis, et ne sçavons encore ce qu’il vous garde, car, si les exemples du temps passé portent quelque consequence pour juger des affaires du temps present, jamais on ne veit vassal et subject, qui eust entrepris de chasser son Prince, mourir en son lict. Je ne veux fortifier ceste maxime par beaucoup d’histoires, ny refuter celles que nos prescheurs alleguent pour deffendre et justifier cest acte horrible. Je n’en dirai que deux : l’une de la Bible, et l’autre des livres Romains. Vous pouvez avoir ouy prescher que ceux qui tuerent Absalon, combien

  1. Comme on dit : être dans de beaux draps.