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encore ces derniers abois en liberté, considerons un peu quel bien et quel prouffit nous est venu de ceste detestable mort, que nos Prescheurs nous faisoient croire estre le seul et unique moyen pour nous rendre heureux. Mais je ne puis en discourir qu’avec trop de regret de veoir les choses en l’estat qu’elles sont, au prix qu’elles estoient lors. Chacun avoit encore en ce temps-là du bled en son grenier et du vin en sa cave ; chacun avoit sa vaisselle d’argent, et sa tapisserie, et ses meubles ; les femmes avoient encore leur demiceint[1]. Les reliques estoient entieres ; on n’avoit point touché aux joyaux de la Couronne. Mais maintenant qui se peut vanter d’avoir de quoy vivre pour trois semaines, si ce ne sont les voleurs, qui se sont engraissez de la substance du peuple, et qui ont pillé à toutes mains les meubles des presents et des absents ? Avons-nous pas consommé peu à peu toutes nos provisions, vendu nos meubles, fondu nostre vaisselle, engagé jusques à nos habits, pour vivoter bien chetivement ? Où sont nos sales et nos chambres tant bien garnies, tant diaprées et tapissées ? Où sont nos festins et nos tables friandes ? Nous voila reduits au laict et au

  1. Ceinture garnie de plaques de métal, le plus souvent d’argent, et munie de pendants où les femmes suspendaient les petits objets à leur usage, aumônière, étui, ciseaux, etc.