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Comment, Messieurs, est-il pas permis icy de dire ce qu’on pense ? N’auray-je point liberté de parler et conclure mes arguments, comme a faict Monsieur de Lyon ? Je sçai bien que, si j’eusse esté courtisan comme luy, je n’eusse nommé personne : car il avoit charge du clergé de nommer le Comte du Bouchage frere Ange[1], pour esperance que ce Prince, aymant le changement, changeroit aussi nos miseres en coups du Ciel ; mais, je vous prie, gardez-le pour porter l’Oriflambe[2] aux batailles : car il luy doit suffire d’avoir quitté la besace.

A ces mots, chacun se mit de rechef à crier et siffler ; et combien que les heraults et massiers hurlassent : Qu’on se taise ! n’osants dire : Paix là[3] ! et que Monsieur le Lieutenant commandast plusieurs fois de faire silence, il ne fut possible d’appaiser le bruit ; tellement que ledit sieur Recteur suoit, tempestoit, escumoit et frappoit du pied. Et voyant qu’il

  1. Le comte du Bouchage, père de madame de Guise, fut maréchal de France, puis se fit capucin. Il sortit du couvent pour prendre les armes en faveur de la Ligue, et se fit chevalier de Malte. Il rentra au couvent des capucins en 1599, et mourut en 1608.
  2. L’oriflamme.
  3. Plaisanterie fondée sur ce que les Ligueurs parisiens considéraient comme suspects tous ceux qui parlaient de la paix, et avaient même édicté des peines contre ceux qui la proposeraient.