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des autres, et ne sçauriez jamais vous accorder ny vivre sans guerre, qui nous mettroit en pire estat que devant. Mais je vous diray faisons comme on faict au Consistoire, à l’election du Sainct Pere. Quand deux Cardinaux briguent la Papauté, les autres Cardinaux, de peur d’encourir la haine de l’un ou de l’autre, choisissent ung d’entre eux, le plus foible de reins, et le l’ont Pape. Faisons-en ainsi. Vous estes quatre ou cinq brigands[1] au Royaume, tous grands princes, et qui n’avez pas faute d’appetit. Je suis d’advis que pas un de vous ne soit Roy : je donne donc ma voix à Guillot Fagotin, marguillier de Gentilly, bon vigneron et prud’homme, qui chante bien au leterin et sçait tout son office par cœur. Cela ne sera pas sans exemple, en tel temps celuy-cy : tesmoin la Harelle de Rouen, où l’on feit Roy un nommé Le Gras, plus mal advisé que Guillot. Et voicy où je fonde mon advis : j’ai leu quelquefois ce grand et divin philosophe Platon qui dict que les Royaulmes sont heureux où les Philosophes sont Roys, et où les Roys sont Philosophes. Or sçay-je qu’il y a tantost trois ans que ce bon marguillier et sa famille, avec ses vaches, medite jour et nuict la Philosophie en une sale de nostre college[2] en laquelle y a plus de

  1. u de mot sur brigand et briguer.
  2. ndant le second siège de Paris, les paysans des environs