Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

Gouvernements, qui estes venuz icy avec tant de travaux, les uns à pied, les autres seuls, les autres de nuict, et la pluspart à vos depens ! N’admirez-vous poinct les faits heroïques de nos Louchards, Bussys, Senaud, Oudineaux, Moulieres, Crucé, Goudard, et Drouart[1], qui sont si bien parvenuz par la plume ? Que vous semble de tant de Caboches[2] qui se sont trouvez, et que Dieu a suscitez à Paris, Rouen, Lion, Orleans, Troyes, Toulouze, Amiens, où vous voyez les bouchers, les tailleurs, les chiquaneurs, basteliers, cousteliers, et autres especes de gens de la lie du peuple, avoir la premiere voix au Conseil et Assemblées d’Estat, et donner la loy à ceux qui auparavant estoient grands de race, de biens et de qualité, qui n’oseroient maintenant toussir ni grommeler devant eux ? N’est-ce pas en cela que la Prophetie est accomplie, qui dit : « De stercore erigens pauperem ? » Seroit-ce pas crime de passer soubs raisin qui coule naturellement de la cuve après qu’on y a déposé la vendange.

  1. Membres du Conseil des Seize. Les royalistes politiques leur avaient donné des surnoms : Louchard était le rodomon tadier, Bussi le fendant, Senault le finet-mâdré, Oudineau le pipeur, La Morlière le bizarre, Crucé le résolu, et Drouart le doucet.
  2. Séditieux, appelés ainsi du nom de l’écorcheur Caboche, chef des bouchers révoltés contre Charles VI, en 1412.