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a-il au monde de plus admirable, et que peut Dieu mesme faire de plus estrange, que de veoir tout en un moment les valets devenus maistres ; les petits estre faicts grands ; les pauvres, riches ; les humbles, insolents et orgueilleux ; veoir ceux qui obeissoient commander ; ceux qui empruntoient, prester à usure ; ceux qui jugeoient, estre jugez ; ceux qui emprisonnoient, estre emprisonnez ; ceux qui estoient debout, estre assis ? 0 cas merveilleux ! ô mysteres grands ! ô secrets du profond cabinet de Dieu, inconnus aux chetifs mortels ! Les aunes des boutiques sont tournées en pertuisanes : les escritoires, en mosquets ; les breviaires, en rondaches ; les scapulaires, en corselets ; et les capuchons, en casques et salades ! N’est-ce pas une autre grande et admirable conversion de la plus-part de vous autres, Messieurs les Zelez ? entre lesquels je nommeray par honneur les sieurs de Rosne, de Mandreville, la Mothe Serrand, le chevalier Breton [1], et cinquante autres des plus signalez de nostre party qui me feroient faire une hyperbate et parenthese trop longue : que ceux que je ne nomme point m’en sachent gré. N’est-ce pas,

  1. En 1581 ils allèrent en Flandre avec le duc d’Anjou pour soutenir les protestants. D’après Brantôme, le chevalier Breton était un Piémontais réfugié en France à la suite d’un meurtre commis dans son pays.