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LIV. I. SATIRE IX.

Que je ne disais mot : — Ma présence vous gêne,
Dit-il, je le vois bien ; mais toute excuse est vaine ;
Je vous tiens ; je vous suis. — Pourquoi vous déranger ?
Je vais chez un ami qui vous est étranger,
Qui loge loin d’ici, sur l’autre bord du Tibre,
Près du parc de César. ― J’ai bon pied, je suis libre ;
Je m’y rends avec vous. Comme un âne rétif
Que son maître surcharge, et qui, d’un pas tardif,
S’avance en rechignant sous le faix qui l’accable,
Je cède à la contrainte : alors, d’un ton capable :
— Si je me connais bien, Varius et Viscus
Long-temps dans votre esprit n’auront pas le dessus ;
Je ne viens point ici ravaler leur mérite,
Mais je fais plus de vers, et je les fais plus vite :
D’ailleurs je danse bien, et dans Rome, entre nous,
On sait que de ma voix Hermogène est jaloux.
— Homme rare ! avez-vous des parens, une mère,
Quelqu’un enfin à qui vous soyez nécessaire ?
Conservez-vous pour eux. — Hélas ! depuis longtems
Il ne me reste plus ni mère, ni parens ;
J’ai tout mis au cercueil. — Malheureux ! et je reste !
Allons, achevez-moi : voici l’instant funeste
Qu’au jour de ma naissance, interrogeant le sort,
Une vieille sabine a prédit pour ma mort :
Mes destins sont remplis. Que cet enfant, dit-elle,
Ne redoute ni toux, ni goutte, ni gravelle :
Qu’il brave les combats, le poison, les poignards ;
Mais, quand il sera grand, qu’il craigne les bavards.
De Vesta cependant le temple magnifique
De plus près à nos yeux découvrait son portique ;