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SATIRE VI.

— Je vous entends. Eh bien, comme de mes parens,
Oncles, tantes, neveux, cousins de tous les rangs,
Nul n’a laissé d’enfans, je me rends à Boville,
Et là, pour héritier, au lieu d’un, j’en ai mille ;
J’adopte Manius. — Ah ! cet homme de rien !
— Pourquoi non ? S’il fallait, moi, fier patricien,
Vous nommant mes aïeux remonter au cinquième,
À vous le dire net, j’hésiterais moi-même ;
Pourtant je le dirais ; mais encore un degré,
Je ne trouverais plus qu’un mortel ignoré,
Qu’un homme de néant. Manius, à ce compte,
Peut être mon parent, et je n’en ai pas honte.
Toutefois j’y consens, soyez mon héritier ;
Mais mon bien, moi vivant, m’appartient tout entier.
Et pourquoi cette ardeur de vous mettre en ma place ?
Ne devriez-vous pas plutôt me rendre grâce,
À moi qui, devant vous, au milieu du chemin,
M’offre, comme Mercure, une bourse à la main ?
De ma succession faut-il que je dispose ?
En voulez-vous ? Parlez. — Il manque quelque chose
Au total. — J’en ai pris quelque chose pour moi ;
Mais le reste est à vous ; je vous le donne ; quoi !
Du legs dont Tadius récompensa mon zèle,
Vous faudrait-il encor rendre un compte fidèle ?
Ah ! de grâce, laissez des reproches pareils :
Cessez de m’adresser d’inutiles conseils ;
De me dire : épargnez, placez vos fonds sur gage,
Vivez des intérêts. — Enfin, cet héritage,
Combien en reste-t-il ? — Ce qu’il en reste ! eh bien ?
À mon souper, ce soir, enfant, n’épargne rien ;