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J’irais, sacrifiant mon honneur, ma raison,
D’une Chrysis la nuit assiéger la maison !
Chanter sous sa fenêtre, et, dans ma folle ivresse,
Arroser de parfums le seuil de ma maîtresse !
― Courage, et persistant dans un projet si beau,
Au ciel qui vous délivre immolez un agneau.
— Mais cependant, Davus, si mon cœur s’y décide,
Crois-tu que mon départ afflige la perfide ?
— Ce n’était donc qu’un jeu ! mon pauvre maître, hélas !
Combien de fois encor, retombé dans ses lacs,
Vous verrai-je essuyer outrage sur outrage ?
Cessez vos cris, cessez de vouloir davantage
Rompre les fils étroits d’un funeste lien.
Vous voilà transporté d’un grand dépit. Eh bien !
Qu’elle daigne parler : entends-tu sa prière ?
C’est elle, tu le vois, qui revient la première,
Qui sous ses douces lois m’invite à retourner ;
Davus, sans être ingrat, puis-je l’abandonner ?
— Oui, vous éviteriez, vous fuiriez l’infidèle,
Si vraiment votre cœur se fût affranchi d’elle.
L’homme que nous cherchons, le voilà : c’est celui
Qu’on voit dans ses desseins toujours maître de lui.
Ce don ne dépend point d’un usage futile,
Ni des mots que prononce un licteur imbécille.
Et cet ambitieux qui, briguant les emplois,
Du peuple en habits blancs court acheter les voix,
Le croyez-vous exempt de toute servitude ?
Flatte, lui dit l’orgueil, flatte la multitude ;
Et que des jeux floraux donnés à tes dépens,
Les vieillards au soleil s’entretiennent long-temps.