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SATIRE V.

― Qui ? je vous le dirai ; mais soyez de sang froid,
Et, quand sur votre erreur je vais mettre le doigt,
Ne venez point, fronçant le sourcil de colère,
Braver insolemment la voix qui vous éclaire.
Eh bien non, le préteur n’eut jamais le pouvoir
D’enseigner à des fous les règles du devoir,
L’art d’employer un temps dont il faut être avare.
Un rustaud apprendrait à pincer la guitare ;
Un sot à bien agir ne se façonne pas :
Le bon sens y répugne ; et la raison tout bas
Nous donne incessamment ce conseil salutaire :
Ce que tu ferais mal, abstiens-toi de le faire :
Abstiens-toi d’un métier que tu ne connais point.
La nature et les lois sont d’accord sur ce point.
Je vois un imprudent mêler de l’ellébore :
Quelle dose en faut-il ? Notre docteur l’ignore.
A-t-il droit de trancher ainsi du médecin ?
Qu’un habitant guêtré de quelque bourg voisin,
Qui jamais de Vénus n’a distingué l’étoile,
Le gouvernail en main, ose mettre à la voile ;
De la mer aussitôt tous les dieux en fureur
S’écrieront qu’il n’est plus ni honte, ni pudeur.
L’art vous a-t-il appris à suivre d’un pas ferme,
Le sentier épineux dont la mort est le terme ?
À voir la vérité d’un coup d’œil prompt et sûr ?
À distinguer au son le clinquant de l’or pur ?
Vous a-t-on fait connaître à des marques certaines,
Et le bien et le mal des actions humaines ?
Vous voit-on au devoir, à l’équité soumis,
Modeste dans vos vœux, doux envers vos amis ?