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SATIRE IV.

Qui, dans les compitum, aux fêtes des semailles,
Quand ses jougs renversés sont pendus aux murailles,
Gémit d’être forcé d’entamer son vin vieux,
Et ne dit qu’en pleurant : amis, soyons joyeux ?
Le ladre ! il faudrait voir avec quelles délices
Il mord dans un ognon que, pour toutes épices,
Sans même l’éplucher, il saupoudra de sel !
Il faudrait voir ses gens, dans ce jour solennel,
Trépigner à l’aspect d’une grosse bouillie,
Tandis que, sans dégoût, il boit jusqu’à la lie,
D’un vin qui, moisissant au fond de ses tonneaux,
Tourne à l’aigre et se tire en bleuâtres lambeaux !
— Mais vous, censeur chagrin, qui blâmez tout le monde,
Quand de parfums exquis le baigneur vous inonde,
Et qu’ensuite on vous voit vous étendre au soleil,
Êtes-vous à l’abri de quelque trait pareil ?
Ne redoutez-vous pas qu’instruit de votre vice,
Un voisin, vous poussant le coude avec malice,
À cet aigre discours qui retombe sur vous,
N’attaque aussi vos mœurs et vos infâmes goûts ;
Vous, mortel dépravé dont la débauche impure
Par tant d’affreux excès outrage la nature ?
On blâme, on est blâmé : voilà l’homme ici-bas ;
Voilà pourquoi vos mœurs ne m’en imposent pas.
Vous portez au flanc gauche une large blessure
Que vous nous cachez mal sous cette riche armure ;
Je la vois à travers votre baudrier d’or.
Cherchez, par vos discours, à nous séduire encor ;
Aveuglez-vous, trompez vos nerfs, s’il est possible.
— Mais lorsqu’à tous les yeux mon mérite est visible,