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Appela mon esclave, et me fit apporter
D’un turbot qu’on avait oublié de goûter.
Et puis il m’enseigna qu’à la lune nouvelle,
La pomme se revêt d’un pourpre plus belle.
— Et la cause ? — La cause ! — adressez-vous à lui.
— Bon Dieu ! sans nous venger mourrons-nous aujourd’hui,
Nous dit Servilius ? Amis, prenons nos verres,
Buvons, et que le vin coule à flot des cratères ;
De Nasidiénus, qui change de couleur,
Le visage, à ces mots, se couvre de pâleur ;
Il tremble du défi ; soit que d’un franc convive,
Dans la chaleur du vin, la gaieté soit trop vive ;
Soit plutôt qu’émoussant le palais du buveur,
L’ivresse aux meilleurs mets enlève leur saveur.
Nous voyons son dépit ; mais nous n’en tenons compte.
Nous versons à l’envi les urnes de Sagonte ;
Nul ne demeure oisif ; hors les bouffons pourtant,
Qui, par discrétion, n’osent en faire autant.
Alors on voit paraître une énorme lamproie
Qui sur un long bassin dans la sauce se noye.
Messieurs, dit le patron, voyez, regardez bien :
Elle a des œufs : plus tard elle ne vaudrait rien.
Et la sauce ! goûtez cela, je vous conjure ;
Elle est faite d’anchois, de vin vieux, d’huile pure,
Avec force vinaigre et force poivre blanc.
Le Chio rend surtout ce mélange excellent.
On y peut joindre aussi l’aulnée et la roquette.
Cest moi qui le premier en donnai la recette.
Curtillus a prouvé que, par son goût amer,
La saumure gâtait le hérisson de mer ;