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Il vous pousse, Il vous presse, et, malgré vos efforts,
Vous contraint d’accepter et la bride et le mors.
Et quand de Pausias, amateur plein d’emphase,
Devant un beau tableau vous restez en extase,
Êtes-vous plus sensé que moi, lorsqu’en passant
Muet, le col tendu, sur les pieds me dressant,
J’admire ces combats dont l’ardeur me transporte,
Et que nos Fulvius, au-dessus de leur porte,
Pour donner de leur art un noble échantillon,
Font dessiner en rouge ou tracer au charbon :
Tellement qu’on dirait des lutteurs véritables,
Par d’adroits mouvemens, des coups inévitables,
Esquivant tour à tour et frappant leurs rivaux,
D’un vaste amphithéâtre exciter les bravos ?
Mais ce qu’on vante en l’un, dans l’autre on le méprise :
Là, c’est amour des arts, ici, fainéantise.
Qu’alléché par l’odeur d’un pâté, d’un gâteau,
En le tirant du four, j’en écorne un morceau :
Je ne suis qu’un vaurien. Vous, héros indomptable,
Vous savez résister aux excès de la table.
J’ai tort, moi, je le sais, d’avoir trop d’appétit :
Pourquoi ? c’est que mon dos quelquefois en pâtit
Mais avez-vous moins tort, et vos triples services,
Vos mets si recherchés n’ont-ils pas leurs supplices ?
Songez-y, car bientôt, affaiblis par dégré,
Vos genoux vont fléchir sous un corps délabré.
Eh ! quoi ! si nous blâmons ce fripon subalterne
Qui court furtivement le soir à la taverne
Échanger un frottoir contre quelques raisins,
Celui qui, pour fournir à ses pompeux festins,