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Désirant par le choix, plus que par l’abondance.
D’un ami délicat vaincre la répugnance.
Vaine précaution ! l’orgueilleux citadin
Mange du bout des dents, montre un air de dédain,
Quand, laissant le meilleur à cet hôte superbe,
Lui, couché sur du foin, ne ronge qu’un brin d’herbe.
Alors le rat de ville : eh ! quoi ! mon pauvre ami,
Sur ce mont escarpé n’existant qu’à demi,
Que dis-je ? Tout vivant enseveli sous terre,
Tu consens à languir dans ce trou solitaire !
Que ne viens-tu plutôt avec moi, de ce pas,
Voir au sein des cités comment vivent les rats ?
Viens, crois en mes conseils, viens vivre dans la ville.
Il n’est rien d’éternel sur ce globe fragile.
Grands et petits, tout meurt Pourquoi ne pas jouir
De ces jours fugitifs qui vont s’évanouir ?
Songe au peu de momens qui font notre existence.
Il dit : son compagnon, frappé de la sentence,
D’un saut, hors de son trou, s’élance au même instant,
Et les voilà tous deux vers la ville trottant
Phœbé, du haut des cieux, leur prêtait sa lumière :
Ils arrivent aux murs : passent sous la barrière,
Dans un riche palais descendent pour loger,
Et se rendent tout droit à la salle à manger.
Là, vingt mets desservis du souper de la veille,
Sont rangés en un coin dans une ample corbeille.
Le citadin joyeux sur un lit de brocard
D’abord fait poliment asseoir le campagnard,
S’agite autour de lui, va, vient, et trotte et saute,
Et montrant de quel air on doit servir son hôte,