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LIVRE I. SATIRE III.

SATIRE III.


On sait de tout chanteur la manie ordinaire :
Souhaitez de l’entendre, il s’obstine à se taire ;
Cessez de le prier, il n’en finira point.
Tigellius portait ce vice au plus haut point.
Rien ne l’aurait contraint de chanter pour personne.
Et César, qui pouvait lui dire : je l’ordonne :
Par le nom de son père et sa propre amitié,
Lui-même vainement l’en aurait supplié.
Un caprice soudain venait-il à le prendre ?
Alors, sans s’informer si l’on voulait l’entendre,
Pendant tout le festin, en l’honneur de Bacchus,
Il faisait tour à tour la basse et le dessus.
Inégal, singulier dans toute sa conduite,
Quelquefois il courait comme un soldat en fuite ;
Quelquefois il marchait à pas si mesurés,
Qu’on eût dit qu’il portait les boucliers sacrés.
Le matin escorté par un esclave unique,
Il s’entourait le soir d’un nombreux domestique.