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Dont, sans être accusé de la moindre imprudence,
Aux plus indiscrets même on ferait confidence.
Des envieux depuis contre moi s’ameutant,
Le nombre se soulève et croît à chaque instant.
M’a-t-on vu dans le cirque à côté du ministre ?
L’heureux mortel, dit-on ? Une rumeur sinistre
Dans tous les carrefours a-t-elle mis l’effroi ?
En me voyant passer, chacun accourt vers moi.
— Eh bien ! vous qui des dieux avez les bonnes grâces,
Qui les voyez de près, que deviennent les Daces ?
— Je l’ignore. — À quoi bon ces vains déguisements ?
— Puissé-je être sur l’heure écrasé si je mens !
Les terres dont César, pour prix de leur courage,
À nos braves guerriers a promis le partage,
Où dit-on qu’il les prend ? En Sicile ou chez nous ?
— Je n’en sais, sur ma foi, pas un mot plus que vous.
Mais j’ai beau le jurer, on croit que je veux rire,
Et d’être si discret tout le monde m’admire.
Ainsi le temps se passe en mortels déplaisirs,
Et vingt fois de mon cœur s’échappent ces soupirs :
Ô champs aimés des cieux ! ô chère solitude !
Quand pourrai-je, affranchi de toute servitude,
Tantôt étudiant la docte antiquité,
Tantôt d’un doux sommeil goûtant la volupté,
Savourer à loisir, loin des traits de l’envie,
L’oubli consolateur des peines de la vie !
Quand verrai-je les fruits de mon étroit enclos,
Et la fève interdite au vieillard de Samos,
Et le légume frais que le lard assaisonne,
M’offrir les simples mets que la saison nous donne !