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L’amateur sur ces jus de safran saupoudrés,
D’une huile de Vénafre épand les flots dorés.
C’est moi qui, le premier de tous nos gastronomes,
D’anchois et de sel noir, de raisins et de pommes,
Composant un ragoût mêlé de poivre blanc,
Dans le plus pur crystal servis ce stimulant.
Sur les fruits de Tibur, plus beaux en apparence,
Toujours ceux de Picène ont eu la préférence.
De Vénuse en des pots on garde les raisins.
On durcit au foyer ceux des coteaux albains.
C’est un travers énorme, une extrême démence,
De se faire au marché suivre d’un coffre immense,
Pour resserrer à table, en un étroit bassin,
Les monstres que la mer laisse errer dans son sein.
En vain vous me servez une table splendide ;
Je suis prêt à vomir, quand un esclave avide,
Dans les plats qu’il apporte ayant trempé ses doigts,
S’en vient les imprimer sur la coupe où je bois,
Ou que du vin épais qu’il m’a versé la veille,
J’apperçois le dépôt à travers la bouteille.
En coûte-t-il si cher pour servir décemment,
Pour tenir toujours frais un riche ameublement,
Pour s’armer de balais, d’éponges et de sable ?
Cette mal-propreté n’est donc point excusable.
Quoi ! tu vois sans rougir ces marbres si polis,
Par un balai fangeux moins frottés que salis !
Tu peux souffrir qu’un lâche et misérable esclave
Couvre de pourpre un lit que jamais il ne lave !
Eh ! mon ami, ces soins trop souvent négligés,
Moins ils coûtent d’argent, plus ils sont exigés ;