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Celui qui tant de fois, auprès de nos vaisseaux,
Fit servir leurs enfans de pâture aux oiseaux ?
— Sur de viles brebis exerçant son courage,
Ajax était un fou qui, poussé par la rage,
Croyait nous égorger, mon frère, Ulysse et moi.
— Mais vous, lorsqu’en Aulide, impitoyable roi,
Immolant votre fille, au lieu d’une génisse,
Vous osiez ordonner cet affreux sacrifice,
Que, de vos propres mains, la traînant à l’autel,
Vous versiez sur son front la farine et le sel,
Étiez-vous plus sensé ? — Qu’entends-je ? et qu’est-ce à dire ?
— Ce malheureux Ajax, en proie à son délire,
Si d’indignes troupeaux ont péri sous ses coups,
Sa femme ni son fils n’ont senti son courroux,
Et des Atrides seuls maudissant l’injustice,
Il épargna Teucer et laissa vivre Ulysse.
— Un long calme enchaînant nos vaisseaux et nos bras,
Calchas voulait du sang ; j’ai fait taire Calchas.
— Du sang ! ô le plus fou des princes de la Grèce !
Dites-donc votre sang. — Mon sang, je le confesse ;
Mais aucune fureur n’égarait mes esprits.
— Ceux par qui les objets sous un faux jour sont pris,
Qui ne distinguent pas le vrai de l’apparence,
Que ce soit rage aveugle, ou stupide ignorance,
Prince, au nombre des fous sont placés justement.
Qu’Ajax, dans le transport de son ressentiment,
Égorge sans pitié des brebis innocentes,
Il perd la tête. Et vous, quand vos mains frémissantes,
Dans votre propre sang promptes à se baigner,
Immolent la nature à la soif de régner ;