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Comme on vit pour calmer les mânes de son père,
Oreste dans Argus assassiner sa mère.
Et d’ailleurs, penses-tu qu’avant le jour cruel,
Où son bras se plongea dans le sang maternel,
Bravant le fouet vengeur des noires Euménides,
Oreste n’avait eu que des momens lucides ?
Que dis-je ? C’est depuis qu’on le crut insensé,
Qu’en effet son délire a tout-à-coup cessé.
D’Électre et de Pylade il respecte la vie ;
Seulement sa vengeance encor mal assouvie,
Des mots les plus sanglans empruntant le secours,
Leur prodigue l’outrage, en ménageant leurs jours.
Certain Opimius, pauvre dans l’opulence,
Qui, lorsqu’aux jours de fête il forçait sa dépense,
Ne rendait qu’en tremblant visite à son caveau,
Et le reste du tems ménageait son tonneau,
Un jour tomba soudain frappé de léthargie ;
Tellement que déjà, préparant une orgie,
Son avide héritier, tout joyeux de sa mort,
Courait, les clefs en main, autour du coffre-fort.
Le médecin arrive, homme fidèle, habile,
Et, dans les grands dangers, en ressources fertile.
Il demande une table, y verse des sacs d’or,
Les compte, les remue et les remue encor.
Au doux bruit du métal qui frappe son oreille,
Le malade en sursaut tout-à-coup se réveille.
— Et vite, levez-vous ; ou bien votre héritier
Emporte en ce moment votre bien tout entier.
— Qu’entends-je ! avant ma mort ! — Levez-vous, — Comment faire ?
— Mangez, c’est le moyen de vous tirer d’affaire :