Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/137

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Ajoute à ce désordre un tuteur en colère,
Des amis indignés, et ce témoin sévère,
Ce juge que chacun porte au fond de son cœur,
Et ce délire enfin, cette aveugle fureur
Qui sur tes propres jours te ferait entreprendre,
S’il te restait encore un lacet pour te pendre.
— Sur ce ton sérieux prêchez Nomentanus :
Moi, je nage dans l’or ; j’ai d’amples revenus,
Et trois rois, à leur aise, en ma richesse immense,
Trouveraient de quoi vivre avec magnificence.
— Comment ! le superflu s’amoncèle chez toi,
Et tu n’en sais pas faire un plus utile emploi !
Pourquoi donc tant de gens, privés du nécessaire,
Sans l’avoir mérité, sont-ils dans la misère ?
Pourquoi voit-on des dieux les temples renversés ?
Pourquoi de ces trésors, sous tes mains entassés,
À l’état, dont la voix à son secours t’appelle,
Ne cours-tu pas offrir au moins une parcelle ?
Tu crois apparemment seul fixant le bonheur,
Enchaîner du destin l’inconstante faveur ! .
Ah ! s’ils voyaient un jour ta fortune abaissée,
Pour tes nombreux rivaux quel sujet de risée !
Car enfin qui des deux, bravant le sort jaloux,
Avec plus de courage en soutiendrait les coups,
Ou celui qui, plongé dans de molles délices,
Aurait de tous ses sens caressé les caprices,
Ou celui qui vivant avec sobriété,
Au lieu de s’endormir dans la prospérité,
Aurait prévu de loin la fortune contraire,
Et fait, pendant la paix, les apprêts de la guerre ?