Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LIV. II. SATIRE II.

— Quelle est donc, selon vous, de ces façons de vivre,
Celle que la raison nous conseille de suivre ?
Chacune à ses dangers, et comme on dit fort bien,
D’un côté vient le loup, et de l’autre le chien,
— Le sage, loin du faste et fuyant l’avarice,
D’aucun des deux excès ne fera son supplice ;
On ne le verra point, singe des Lucullus,
Donnant dans sa maison ses ordres absolus,
Pour ranger avec ordre un buffet magnifique,
Gourmander en fureur un nombreux domestique ;
Ni comme Naevius, sordide en ses banquets,
De servir une eau sale excuser ses laquais :
Car c’est un vice aussi ; mais laissons ce langage,
Et d’un repas frugal expliquons l’avantage.
D’abord, c’est le moyen de garder sa santé,
Et pour savoir combien cette variété,
Ce choix de mets exquis peut devenir funeste,
Souviens-toi seulement de la table modeste,
Dont tu sortis toujours si calme, si dispos.
Mais si tu vas confondre, entasser les morceaux,
Le bouilli, le rôti, les huîtres et les grives,
Tous ces sucs délicats savourés des convives,
Se transformant en bile, au sortir du festin,
Porteront le désordre et le feu dans ton sein.
Vois-tu cet air défait, ce front pâle et livide ?
Voilà ce que produit une table splendide.
Ce n’est pas tout. Le corps accablé, sans vigueur,
Sur l’esprit abattu fait peser sa langueur,
Et semble éteindre en nous cette flamme immortelle,
De la divinité précieuse étincelle.