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Il s’agit bien vraiment de cette vaine pompe !
Des dehors, conviens-en, le prestige te trompe :
Car enfin mange-t-on ce plumage vanté ?
Et paraît-il à table en toute sa beauté ?
Sur ce point toutefois je consens qu’on t’excuse :
Mais comment, insensé qu’une autre erreur abuse,
Peux-tu d’un loup marin, à sa forme, à sa chair,
Juger qu’il vient du Tibre ou de la haute mer,
Ou bien que le pêcheur en a fait la capture
Entre les ponts du fleuve, ou vers son embouchure ?
Tu n’aimes, tu ne veux que d’énormes barbeaux,
Que pourtant il faudra dépecer par morceaux !
Et dans les loups marins, c’est à leur petitesse
Que tu crois distinguer ceux de la bonne espèce !
D’où vient cela ? j’entends : la nature a prescrit
Qu’un loup marin fût gros, qu’un barbeau fût petit.
Il te faut le contraire. Homme vain et futile,
Un estomac à jeun n’est pas si difficile.
— O quel plaisir de voir, à table, tout entier
Sur un vaste plateau servir un sanglier,
Vous dira ce glouton pareil à la harpie,
Sur les mets du troyen portant sa griffe impie ?
Vents du midi, venez infecter tous ses mets.
Que dis-je ? sanglier, turbot, tout désormais
Lui fait mal, lui répugne, et le radis, l’oseille,
Seuls dans un grand festin ont un sel qui l’éveille.
C’est grâce à ce dégoût que la table des rois
De racines encor se couvre quelquefois,
Et parmi tout son luxe, à de nombreux convives
Offre de simples œufs et de noires olives.