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Toi dont les seuls jeux grecs réveillent la langueur,
Au palet, à la paulme exerçant ta vigueur,
Descends dans cette lice où, pour celui qui l’aime,
L’ardeur change en plaisir la fatigue elle-même ;
Et lorsque l’exercice et la soif et la faim,
D’un palais délicat surmontant le dédain,
Auront enfin guéri tes dégoûts ordinaires,
Rejette, j’y consens, des alimens vulgaires,
Et refuse de prendre un falerne encor dur,
À moins que dans ta coupe on n’y mêle un miel pur.
L’hiver met le poisson à l’abri sous la glace ;
Et pendant quelques jours, pour comble de disgrâce,
Il faudra te passer de ton maître d’hôtel,
En mourras-tu de faim ? non : du pain et du sel
T’offriront au besoin un repas délectable.
Pourquoi ? c’est que des mets que tu cherches à table,
Le goût n’existe point dans ce qu’ils ont coûté ;
C’est qu’il est en toi-même, et que la volupté
Est le fruit du travail, des mâles exercices.
Pâle, et moins engraissé que bouffi de délices,
Quel plaisir ce glouton, las de tous ses banquets,
Trouverait-il encore aux huîtres, aux sargets,
Aux poissons apportés des mers les plus lointaines ?
Toi cependant séduit par des chimères vaines,
Que l’on te serve un paon : tu le préféreras
Au poulet le plus tendre, au chapon le plus gras ;
Non certes qu’il ait droit à cette préférence ;
Mais c’est un oiseau rare ; il coûte un prix immense ;
Et lorsqu’en un festin avec pompe on le sert,
Sa queue est en spectacle aux convives offert.