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LIV. II. SATIRE I.

Lucile de ses vers faisait ses confidens ;
Et comme on s’abandonne à des amis prudens,
Qu’il eût le sort propice ou les destins contraires,
Eux seuls de ses secrets étaient dépositaires :
De là vient qu’en son livre, ainsi qu’en un portrait,
Le vieillard tout entier est rendu trait pour trait.
Habitant de la Pouille ou de la Lucanie,
Car les Vénusiens sont une colonie
Transportée en ces lieux, au départ des Sabins,
Pour contenir, dit-on, de dangereux voisins ;
Quelque nom que l’on donne aux bords qui m’ont vu naître
Je veux suivre Lucile et le prends pour mon maître ;
Mais, tout en l’imitant, je fuirai ses écarts :
Personne ne sera blessé de mes brocards ;
Et tant que les méchans me laisseront tranquille,
Mon glaive en son fourreau demeurant inutile,
(Puisse-t-il, juste ciel ! s’y rouiller à jamais !)
Je ne m’en servirai qu’à m’assurer la paix ;
Mais malheur à celui dont l’attaque imprudente
Viendrait aigrir le fiel de ma plume mordante !
Puni, je l’en préviens, de sa témérité,
Dans la ville, en tous lieux, son nom sera chanté.
Cervius en courroux, saisit l’urne fatale.
La fille d’Albucus, menaçant sa rivale,
Nouvelle Sagana, tient un breuvage prêt,
Le brigand un poignard, Turius un arrêt !
C’est la loi naturelle en tous les cœurs empreinte,
Et pour se mettre en garde ou répandre la crainte,
Chacun de ses moyens use en se défendant,
Le taureau de sa corne, et le loup de sa dent.