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Achètes-en du pain, des fruits, une mesure
De falerne ; en un mot, tout ce qu’à la nature,
Sans la faire souffrir, on ne peut refuser ?
Veiller le jour, passer la nuit sans reposer,
Être sans cesse en proie à des frayeurs mortelles,
Ne rêver qu’incendie, esclaves infidèles,
Que voleurs emportant ton trésor avec eux,
Est-ce là, selon toi, ce qu’on nomme être heureux ?
Ah ! ces fragiles biens, supplice de leur maître,
Puissé-je, juste ciel ! ne les jamais connaître ! …
— Mais si quelqu’accident, quelque léger frisson,
Quelque rhume vous force à garder la maison,
À vous tenir au lit, on s’empresse à votre aide ;
L’un court au médecin, l’autre apprête un remède ;
Tous sont aux petits soins ; tous veillent tour à tour
Pour vous rendre à des fils dont vous êtes l’amour,
À de tendres parents. — À quel point tu te leurres !
Ton épouse, tes fils désirent que tu meures ;
Étranger ou voisin, commensal ou valet,
Tout le monde te fuit, tout le monde te haït.
Malheureux ! quand tu mets l’or avant tout le reste,
Faut-il être surpris que chacun te déteste,
Et que nul n’ait pour toi cette tendre pitié,
Qu’obtient seule en retour une égale amitié ?
Vouloir, sans s’imposer le moindre sacrifice,
Qu’un fils à notre sort, qu’un ami compâtisse,
C’est perdre le bon sens ; c’est d’un âne mutin
Vouloir faire un coursier obéissant au frein.
Sache donc modérer cette soif de richesse ;
Au milieu des trésors, ne crains plus la détresse ;