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ACTE TROISIÈME.

de garçons dans une maison !… C’est la force, ça ! c’est les bras…

CLAIRE, faisant toujours la malle.

Et qui en est le charme et la joie ? qui en est le coeur ?… les filles !… (À mesure qu’elle parle, Jonathan profite de ce qu’elle se détourne en prenant le linge, pour reprendre dans la malle celui qu’elle vient de ranger et le jeter derrière lui, sur le tapis. Claire le voit du coin de l’oeil, et continue.)

Dès que les garçons ont quinze ans, on ne les voit plus ! Mais qui reste au logis pour vous embrasser quand vous rentrez, et vous avancer le meilleur fauteuil en sautant sur vos genoux ? ce sont les petites filles… Une maison pleine de garçons, c’est un jardin plein de fruits ; mais il ne faut pas dédaigner les fleurs… (Le surprenant au moment où il ôte son linge.) Qu’est-ce que vous faites donc là ?

JONATHAN.

Je range !

CLAIRE.

Sur le tapis ?…

JONATHAN, se relevant.

Avouez que c’est pour me faire enrager, n’est-ce pas, ce que vous en faites ? Vous voyez que je suis contrarié de votre départ !

CLAIRE., assise à terre, d’un air suppliant et une serviette pliée à la main, qu’elle va placer dans la malle.

Mais moi aussi, je suis contrariée ! J’aimerais mieux rester ici, avec mon parrain… et ses filles, si vous vouliez !

JONATHAN.

Oui, oui ! si je voulais ! Toujours !… Eh bien ! voyons ! (Il prend la serviette d’une main sans que Claire la lâche.) Je veux bien en garder une, de ses filles… (Ils se lèvent et descendent.)

CLAIRE.

Non, les deux !

JONATHAN.

Non, rien que l’aînée ; je vous accorde l’aînée !

CLAIRE.

Et la cadette ?

JONATHAN.

Celle qui flirte ! non !

CLAIRE.

Si ! si !

JONATHAN, suppliant.

Oh ! pas la cadette ! je vous en prie ! Laissez donc la serviette !