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LES FEMMES FORTES.

CLAIRE.

À quoi ?

JONATHAN, se rapprochant d’elle, un pied sur la malle.

À ce que je vous ai dit ! Combien me prendrez-vous pour rester chez moi à gouverner ma maison ?

CLAIRE.

Mais d’abord, ce n’est pas possible !… et je ne suis pas encore d’un âge !…

JONATHAN.

On jaserait !… Vous croyez qu’on jaserait ?… Au fait ! il y aurait de quoi !… Oui !… vous et moi ! (À lui-même, en redescendant.) Tiens !… tiens ! c’est une idée, cela !… Elle me revient tout à fait, cette petite-là !

CLAIRE, allant à l’armoire prendre du linge.

Et puis, autre raison…

JONATHAN.

Autre raison !

CLAIRE.

Mon oncle a besoin de moi, et ce n’est pas quand il est pauvre… (Elle revient avec des draps.)

JONATHAN.

Eh bien ! au contraire, il me semble que c’est le moment de le quitter !

CLAIRE.

En Amérique peut-être ; mais en France, c’est le moment de rester !

JONATHAN, reprenant sa pipe.

Ah !… vous avez raison !… Eh bien, je me passerai de vous, voilà tout !

CLAIRE.

Est-ce que vous allez ?…

JONATHAN.

Quoi ? (Claire lui montre la pipe.) Ah ! oui ; j’oubliais !… Tiens ! (Il casse sa pipe.) Va au diable, toi ! (Il se verse un grand verre de rhum.)

CLAIRE, riant.

Il n’y a pas grand mal !

JONATHAN, se versant du rhum.

Vous trouvez, vous ?… Une pipe qui a traversé avec moi le