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ACTE TROISIÈME.

MADAME LAHORIE.

Ah ! vous allez voir comment ! Nous étions en caravane de six : trois bandits échappés des présidios du Mexique, deux nègres et moi ! Nous nous égarons : plus de vivres ; on mange les mulets… puis les selles et les brides, et nous allions passer aux nègres, quand nous tombons sur une tribu d’Apaches en tenue d’été. Je m’arrête, en passant, pour faire un croquis de ce tableau ; les Apaches me saisissent, me garrottent, je me vois perdue… Quand tout à coup, brisant mes liens d’un seul effort, je pousse un cri formidable… mais un cri, monsieur, qui n’avait rien d’humain… un cri !… attendez ! je vais essayer de le reproduire…

JONATHAN.

Non, non ! c’est inutile.

MADAME LAHORIE.

À ce vacarme, les Apaches tombent foudroyés, croyant à l’apparition d’une divinité vengeresse ! Je m’élance à la nage dans le fleuve ; je gagne l’autre rive, je saute sur un cheval sauvage ; et me voilà !

JONATHAN, soupirant.

Et vous voilà, by God !

MADAME LAHORIE.

Du reste, une force herculéenne ! Voyez mes biceps !… de l’acier !

JONATHAN.

Pardon, je…

MADAME LAHORIE.

Touchez ! touchez ! Voilà les effets de l’escrime et du trapèze ? Qu’est-ce que vous dites de ça ?

JONATHAN.

Diable !

MADAME LAHORIE.

C’est sec, nerveux ! je suis taillée pour la course, (elle va montrer sa jambe.)

JONATHAN, l’arrêtant.

Oui, oui ! je vous crois !

MADAME LAHORIE.

Avec cela, vous comprenez qu’une femme n’est embarrassée de rien ! Elle peut aller partout, et je n’ai pas besoin de vous dire que je suis encore telle que je suis sortie… des bras de mon second mari !