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ACTE PREMIER.

pour faire marcher l’affaire avec moi, et d’épouser une de mes fillettes !

CLAIRE.

D’épouser…

QUENTIN.

Voilà le plan !

CLAIRE.

Et s’il refuse ?

QUENTIN.

Un Américain ! Allons donc ! un homme pratique, positif, carré sur sa base. Il épousera les yeux fermés.

CLAIRE.

Laquelle ?

QUENTIN.

Eh ! bien, l’aînée ou la cadette. Cela m’est égal à moi, et à lui aussi !

CLAIRE.

Oui, mais à elles, cela ne leur est peut-être pas, égal.

QUENTIN.

Pourquoi ça ?

CLAIRE.

Ce ne sont plus de petites filles ; elles ont leur coeur et leur tête… et Gabrielle a des velléités d’indépendance…

QUENTIN.

Bah !

CLAIRE.

Inquiétantes !… Quant à Jenny, une imagination qui travaille, qui travaille !…

QUENTIN.

Oui-da !

CLAIRE.

Il ne m’a pas été facile de tenir la bride à ce petit monde pendant votre absence. C’étaient des discussions continuelles pour le travail, pour la promenade, pour les visites… Jenny a la passion de la lecture ; Gabrielle, celle du spectacle. J’opposais mon veto, on prenait de l’humeur, on me boudait, on me donnait le soir de méchants baisers, gros de rancunes étouffées… et puis nous avons eu notre petit roman.

QUENTIN.

Ah ! ah !