Page:Sardou - Les femmes fortes, 1861.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
ACTE PREMIER.

GABRIELLE.

J’ai des éblouissements…

JENNY.

Et moi des palpitations !…

CLAIRE.

Gabrielle a des éblouissements, et le coeur de Jenny palpite à la pensée d’une promenade au bois de Boulogne…

GABRIELLE, à demi-voix.

Il y a de cela !

CLAIRE, allant au bureau.

Voilà ce que c’est. Au lieu de travailler, on se met à sa fenêtre. Il fait un joli soleil, on voit passer du monde à pied, à Cheval… (Avec intention.) À cheval surtout… (Mouvement de Jenny.) Et tous avec des visages si joyeux, si gais… (Elle met un bouquet dans chacun des vases qui sont sur le bureau.)

GABRIELLE.

Oh ! si gais ! Pas tous !

CLAIRE.

Mais jusqu’à M. Lazarowitch, que j’ai rencontré fredonnant sa petite chanson…

JENNY, vivement.

Lui ?

CLAIRE, (Elle s’assied près du bureau et ouvre un livre de comptes.)

Il faut croire que ma vue, pauvre jeune homme !… lui a rappelé soudain les douleurs de l’exil… car c’est avec un soupir déchirant qu’il m’a saluée, et les chants avaient cessé.

JENNY.

Quelque air de son pays… une ballade.

CLAIRE.

Oui, un air de Bataclan !

GABRIELLE, à Jenny.

Attrape !

JENNY, à demi-voix.

Qu’elle est mauvaise ! Oh ! je voudrais aller au bois de Boulogne… pour le voir.

GABRIELLE.

Attends ! (Elle passe et va à Claire, se penchant sur elle et d’un air câlin.) Petite maman… est-ce que vous ne voulez pas que nous allions faire une promenade dans l’intérêt de notre santé ?