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ACTE PREMIER.

JENNY.

Tu es allé au marché ?

TOUPART.

Oh ! j’y suis allé sans y aller !… Mais en flânant, on voit un oeuf… on se dit : Tiens, tiens, voyons donc s’il est frais… celui-là… et on se laisse entraîner à en acheter…

GABRIELLE, regardant dans le panier.

De quoi faire une omelette !…

JENNY.

Avec une langouste !…

GABRIELLE.

Et des fruits !… (Elle porte le panier sur une chaise, près de la cheminée.)

TOUPART.

Oui, je me suis encore laissé entraîner… Je ne sais pas trop comment tout ça est là dedans ?…

GABRIELLE.

Enfin, tu es un homme de précaution, toujours… puisque tu avais pris ce panier.

TOUPART.

Oh ! je l’ai pris sans le prendre… pour me donner une contenance !

GABRIELLE.

Ah çà, mais, ta bonne, qu’est-ce qu’elle fait donc ?

TOUPART.

La bonne ! Il faut bien qu’elle garde la maison quand je n’y suis pas. Si on sonnait… ce n’est pas madame Toupart qui ouvrirait !

GABRIELLE et JENNY.

Pourquoi ?

TOUPART.

Pourquoi ? Ah çà, vous ne connaissez donc pas encore votre tante, depuis que vous êtes sorties de pension ? Mais ce n’est pas une femme comme les autres, Pulchérie… C’est une femme… une femme… une femme supérieure !

GABRIELLE.

Supérieure à quoi ?

JENNY.

Supérieure à qui ?

TOUPART.

À tout le monde, et à moi, d’abord, je le dis avec orgueil.