Page:Sardou - Le Roi Carotte.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle de la lune ! Je travaille pourtant depuis l’aurore, et je me suis endormie de fatigue !… Mon Dieu, qu’ai-je fait au ciel pour qu’il m’abandonne ainsi aux méchancetés de cette vilaine femme ?… Hélas ! quelque bon génie ne prendra-t-il pas pitié de moi et ne viendra-t-il pas me délivrer !… (La porte s’ouvre.) Quelqu’un ! c’est elle !… vite à l’ouvrage !… (Elle se rassied et se met vivement au travail.)


Scène II.

ROSÉE-DU-SOIR, ROBIN-LURON.
ROBIN-LURON, derrière son fauteuil.

Bonjour, mademoiselle !

ROSÉE-DU-SOIR, debout et s’éloignant de lui avec effroi.

Un homme !

ROBIN.

N’ayez pas peur !… Je me suis égaré dans les corridors de cette vieille tour, et de porte en porte… !

ROSÉE-DU-SOIR, toute tremblante.

Mais, monsieur, comment avez-vous pu ouvrir celle-ci qui est toujours fermée à double tour, de peur que je ne sorte ?

ROBIN, gaiement.

Oh ! nous autres étudiants, nous avons pour ouvrir les portes des moyens bien extraordinaires… et pour les fermer aussi ! (Il souffle. La porte se referme et l’on entend la clef tourner deux fois dans la serrure.) Tenez !

ROSÉE-DU-SOIR, effrayée.

Ah ! monsieur, prenez garde ! C’est ici la demeure d’une bien vilaine femme !… Si elle vous surprend avec moi !…

ROBIN.

La vieille !… Oh ! une ancienne connaissance !…

ROSÉE-DU-SOIR.

Ah !

ROBIN.

La plus méchante pécore !

ROSÉE-DU-SOIR.

Oh ! oui ! bien méchante !

ROBIN.

Vous en savez quelque chose, pauvre enfant !… Elle vous tient depuis si longtemps enfermée dans cette chambre, à broder des fleurs qu’elle vend très-cher aux dames de la ville !