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ACTE TROISIÈME.

puisque c’est un de ces trois-là qui a parlé !… je saurai bien lequel ! — Ils allaient devant moi, par les rues, se parlant, mais tout bas,… et je prêtais en vain l’oreille !… Enfin ils sont entrés dans ce cloître, puis ont disparu de ce côté ; où, après le repas ces héros, m’a-t-on dit, allaient faire la sieste !… — Je n’étais pas venue là pour ne pas savoir attendre,… mais au pied de cette Croix, l’ardent soleil me brûlait, m’enivrait,… j’ai senti bientôt la folie prête à m’envahir, et je me suis réfugiée dans cette Église… où j’ai prié tout le jour ! — L’ombre s’étend ! — me voilà ! — Il a fini de sommeiller, j’espère,… et il se décidera bien à sortir, ce tigre !… La nuit !… voilà son heure !…

UBERTA, effrayée.

Attendre cet homme ici, c’est là ce que tu veux ?

CORDELIA.

Oui, je le veux !

UBERTA.

Et s’il te reconnaît ?…

CORDELIA.

Sous ce voile ? — D’ailleurs il y a trêve ! — Et qu’ont-ils à redouter d’une femme ?…

UBERTA, de même.

Non ! tu ne peux faire cela ! — Vois !… tes mains sont glacées, et la fièvre brûle ton front !…

CORDELIA.

Qu’elle m’achève !

UBERTA, vivement.

Cordelia ! — écoute celle qui t’a servi de mère !… Retournons ensemble à la Seigneurie… Pense, ma fille, que depuis hier tu n’as pris ni repos, ni…

CORDELIA, l’interrompant.

Tombe en lambeaux cette misérable chair ! — Je ne lui ferai pas l’aumône d’une bouchée de pain ni d’un verre d’eau, que je n’aie lavé sa souillure !