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LA HAINE.

LE PISAN.

Pourquoi proscrit ?

TOUS.

Oui… pourquoi ?

BRAGUELLA.

Oh ! une affaire du diable ! — C’est cette fenêtre-là, tenez, qui en est cause… (Il désigne la grande fenêtre du palais Saracini.)

LES MARCHANDS, regardant.

Celle-là ?…

BRAGUELLA.

Voici comment ! — Vous saurez d’abord qu’Orso est un grand beau garçon, solide, bien découplé… en ce temps-là, de la plus belle humeur qui fût au monde, et pour la force ou l’adresse, sans rival dans toute la jeunesse de la ville ! — Aussi aux élections de la Saint-Martin, de l’autre année, fut-il nommé gonfalonier de sa Contrade.

LE LOMBARD.

Sa Contrade ? (Canonnade lointaine de temps en temps.)

BRAGUELLA.

Oui ! — La ville n’a pas seulement ses trois quartiers ; — ses Tiers, comme nous disons : — Tiers de Saint-Martin, Tiers de la Cité, Tiers de Camollia, où nous sommes !… Elle est aussi divisée en seize Contrades ou petits cantons, et les artisans de chaque Contrade forment une compagnie, qui, les jours d’élections, de fêtes ou de combats, marche en armes, avec sa bannière…

LE LOMBARD.

Bien !

BRAGUELLA.

Toutes ces Contrades, quoique d’artisans, n’ont pas la même opinion. Les unes, des arts mineurs, sont Guelfes et tiennent pour le gouvernement populaire. — Les autres, des arts majeurs, sont Gibelines et tiennent pour la noblesse ! — Or, tous les ans, de la Visitation à la Saint-Pierre, on