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LA HAINE.

paquets, et frotte un oignon sur son pain : un enfant à l’arrière de la charrette, les jambes pendantes. — En tête, près des bœufs, le conducteur avec son aiguillon. — Le Florentin, assis sur la margelle de la vasque, sa valise près de lui, prend également son repas. — Deux autres marchands, interrompant le leur, prêtent l’oreille vers la gauche, et, l’on entend les détonations des bombardes, très-au loin. — Braguella descend par l’escalier de gauche et leur apporte une jarre, où chacun puise. — Dans la rue haute, des femmes écoutent le combat, sur le pas des portes. — Au fond, sous la voûte, bourgeois, femmes, enfants prêtant également l’oreille et s’agitant à chaque détonation.)

LE BOLONAIS.

Tenez !… entendez-vous la bataille ?…

BRAGUELLA, déposant sa jarre à terre.

Ah ! bien, maintenant… si les bombardes s’en mêlent !…

LE LUCQUOIS, arrivant par le fond, avec un ballot de marchandises.

Eh ! là-bas ! compères !… c’est donc vrai qu’on se bal sur la route de Florence ?…

BARGUELLA.

Vous n’entendez pas ? (Il remonte pour écouter.)

LE LUCQUOIS, jetant son ballot à terre.

Et qui se bat ?…

LE FLORENTIN, haussant l’épaule.

Les Siennois !…

LE LUCQUOIS.

Et contre qui ?

LE BOLONAIS, railleur, continuant son repas.

Contre les Siennois donc ! belle demande…

LE LUCQUOIS, puisant à la jarre.

Entre eux !… toujours — Imbécile de peuple, va !… J’arrive de Lucques pour le grand marché de demain, et je n’ai pas plus tôt débouclé mon ballot, que leur damnée musique me force à plier bagage !…

LE FLORENTIN.

Nous en sommes tous là !…